UCD, Dublin, Irlande
Bretagne-Vivante a initié depuis 2010 un programme d'étude sur une chauve-souris en limite d'aire de répartition en Bretagne, le Grand Murin (Myotis myotis), pour répondre à la fois au manque de connaissance sur la dynamique de cette espèce et à des fins de conservation.
Cette étude est pionnière en France dans l'utilisation de marquage individuel à long terme à l'aide de transpondeurs (puce électronique utilisée chez les animaux domestiques). « Ce type de marquage permanent permet de retrouver et d'identifier les individus de plusieurs colonies du Sud du Morbihan dans leur site de reproduction, de chasse et d'hibernation de manière passive » explique Frédéric Touzalin, membre actif de Bretagne-Vivante qui a lancé le projet en 2010 avec Olivier Farcy.
L'originalité et la longue durée de l'étude a permis de multiplier les collaborations scientifiques notamment avec une équipe de recherche de Dublin (Irlande) dirigée par Emma Teeling, depuis 2013. Une telle collaboration illustre les intérêts mutuels qui peuvent découler des liens entre les associations et la recherche. Ainsi, Bretagne-Vivante a contribué aux recherches fondamentales sur le vieillissement, qui est un enjeu sociétal majeur du XXI siècle, par son expertise environnementale et ses compétences techniques.
Par ailleurs, grâce aux données générées par l'équipe de Dublin, Eric Petit (INRA Rennes) et Sébastien Puechmaille (Université de Greifswald, Allemagne) ont pu reconstituer la généalogie des individus étudiés, permettant ainsi de mieux comprendre les stratégies d'histoire de vie des individus et leur capacité d'évolution face à un environnement anthropisé qui change rapidement. « Grâce à cette collaboration des aspects essentiels de la conservation des chiroptères vont pouvoir être analysés » explique Sébastien Puechmaille, qui est à l’origine de cette collaboration.
Mais la dernière découverte de ce projet concerne les secrets moléculaires responsables de l’importante longévité de certaines chauves-souris.
Les scientifiques ont identifié une partie du mécanisme moléculaire qui donne aux espèces de chauves-souris longévives leur durée de vie extraordinaire par rapport aux autres animaux. Les résultats publiés dans la revue Science Advances pointent vers les structures protectrices à l'extrémité des chromosomes, appelées télomères.
Selon l'équipe internationale de scientifiques, les télomères ne raccourcissent pas avec l'âge chez les espèces de chauves-souris à longue durée de vie (Myotis), contrairement à ce qui se passe chez d'autres espèces de chauves-souris, les humains et d'autres animaux. Chez ces espèces, le raccourcissement des télomères intervient lors de la multiplication cellulaire à l’origine du renouvellement des tissus au fil du temps, ce qui, au cours d'une vie, peut conduire à la détérioration des tissus et finalement à la mort.
Pour mener l'étude, les chercheurs ont prélevé des biopsies de 3 mm de diamètre sur les ailes de quelques 500 chauves-souris sauvages capturées, marquées, puis relâchées, appartenant à quatre espèces différentes. Les échantillons ont été congelés instantanément dans de l'azote liquide ou déshydratés en utilisant des billes de silice. De l'ADN de haut poids moléculaire en a été extrait et la variation de la longueur des télomères a été évaluée.
"Nos résultats montrent que les télomères raccourcissent avec l'âge chez deux des espèces de chauves-souris (Rhinolophus ferrumequinum et Miniopterus schreibersii), ce qui est typique de la plupart des mammifères", explique le Dr Nicole Foley de l'University College Dublin, Irlande, premier auteur de cette étude.
"Mais dans les espèces de chauves-souris les plus longévives (Myotis), nous n'avons détecté aucune preuve que leurs télomères raccourcissent avec l'âge, contrairement à toutes les attentes."
Pour découvrir comment les espèces de chauves-souris à longue durée de vie peuvent maintenir leurs télomères au fil du temps, les chercheurs ont comparé leurs génomes à ceux de 52 autres mammifères, en se concentrant sur 225 gènes associés au maintien des télomères.
"Nos résultats suggèrent que les chauves-souris du genre Myotis ont développé de meilleurs mécanismes pour prévenir et réparer les dommages cellulaires induits par l'âge, ce qui pourrait en particulier être lié aux deux gènes ATM et SETX" explique le professeur Emma Teeling de l'University College Dublin, responsable de l’étude.
"Ces chauves-souris n'ont montré aucune expression de la télomérase, mais ont plutôt développé un processus unique pour allonger leurs chromosomes sans induire de cancer. Ce sont de nouveaux résultats excitants que nous devons approfondir pour découvrir comment les chauves-souris peuvent rester en bonne santé tout en vieillissant."
Les résultats de l'étude sont une première étape pour nous aider à comprendre les mécanismes moléculaires qui ont évolué chez les chauves-souris et qui sous-tendent leur durée de vie inhabituellement longue.
L'étude du vieillissement chez des chauves-souris sauvages peut fournir de nouvelles solutions intéressantes pour ralentir le processus de vieillissement et, en fin de compte, étendre la durée de vie en bonne santé chez l’Homme.
Cette étude a impliqué 10 instituts de recherche et de conservation de cinq pays différents et a été financée par le Conseil européen de la recherche (bourse ERC) et comprenait des chiroptérologues d'Irlande, de France, du Portugal, d'Allemagne et du Royaume-Uni.
-Fin-
Contact:
Irlande :
Professor Emma Teeling
UCD School of Biology and Environmental Science, University College Dublin, Ireland
E: emma.teeling@ucd.ie M: +353 87 630 1359
France :
Professeur Assistant Sébastien Puechmaille
Institut de Zoologie, Université de Greifswald, Allemagne
E: s.puechmaille@gmail.com T: +49 3834 420 4068
Institutions impliquées dans l’équipe internationale :
University College Dublin, Irlande.
Bretagne Vivante, Bretagne, France.
Université de Greifswald, Allemagne.
INRA, Rennes, France.
University of Bristol, UK.
University of Porto, Portugal.
University of Lisbon, Portugal.
Institute for Nature Conservation and Forestry, Lisbon, Portugal.
University of Leeds, UK.
Université Toulouse III-Paul Sabatier, France.
Pour de plus amples renseignements, y compris une copie de l’article, veuillez consulter le dossier de presse de Science Advances à l'adresse suivante
http://www.eurekalert.org/jrnls/sciadvances/